On a des habitudes, huîtres et vins blancs, foie gras et vins moelleux, tortillitas de camarones et manzanilla, Bleu d’Auvergne et rancio. C’est rassurant, c’est très bon et surtout, comme disait Guy Schladeck, on ne change pas une équipe qui gagne. Il y a quelques jours, j’ai remis en question, avec beaucoup de plaisir, certaines de ces paires.
Ça s’est passé lors de la fête gastronomique Hé! toiles & toques organisée par Jérôme Crochet du magazine Itinéraires d’un gourmand, dans le cadre superbe du Domaine des Haute Roches. Huit chefs étoilés étaient réunis sous le thème des accords mets-vin/saké.
Nouveau : je vous raconte ça d’une manière très moderne, à la première personne…
Le nez dans le choko
Beau choko blanc par Sylvie Coquet
J’approche de mon nez la petite coupelle de saké en porcelaine blanche (choko), hume avec élégance, n’identifant pas de parfums connus, j’hume encore. Mes yeux se baladent de droite à gauche, de haut en bas. Je ne reconnais rien. Je me lance dans un petit slurp, élégant lui aussi, on n’est pas dans Tampopo… Je suis perdu. J’essaye l’analogie… En vain. J’ai beau froncer les sourcils, rien n’y fait. La palette des arômes déroute, quand on a grandi dans une région vinicultrice (le mot n’existe pas mais il exprime bien mon désarroi d’alors).
Je regarde autour de moi, et constate que je ne suis pas le seul dans cette recherche; se pencher avec précaution, sentir, chercher du regard et froncer les sourcils, puis slurper.
Romain Mahi – L’huitre de Cancale
Avant de finir la coupelle, je m’attaque au premier plat de cette soirée, une huître de cancale pochée, signée Romain Mahi, elle est servie avec un saké Fukucho “seafood” Shiro Koji.Une belle bouchée et soudain, l’huître, et l’asperge blanche qui l’accompagne, se mêlant au saké, me transportent dans la baie de Matsushima. Éblouissant, je n’ai pas tous compris, mais je commence à enrichir mon vocabulaire.
Dozo Omeshiagari Kudasai
Le dîner était composé de sept plats dont cinq accompagnés de saké, un plateau de fromage et un dessert. Le niveau d’alcool augmentait de plats en plats, passant de 14° pour l’huître de Romain Mahi à 17° sur le plateau de fromage de Thierry Cartereau. Une expérience vraiment étonnante.
Ryohei Kawasaki – Inspiration printanière
Mes papilles ont particulièrement adoré l’association du plat de Ryohei Kawasaki, une merveilleuse assiette de légumes du jardin d’Anna Shoji (à Ligueil), petits pois, fèves, têtes d’asperges sauvages, combava, accompagnés de navets en croûte de sel avec le Saké Chikurin Karoyaka. Une certaine joie m’envahit et je commençais à trop parler à mes voisins.
J’ajoute que les vins étaient aussi fabuleux, notamment le Bourgeuil de Jacky Blot, Mi-Pente 2005 Domaine de la Butte, découvert chez Gaëtan Évrard et le M de Marionnet, un Touraine de 2018, une tuerie (zut ça m’a échappé).
Gille Dudognon – La royale de Foie Gras
Gastronomie
Brillat Savarin définie la gastronomie dans Philosophie du goût comme ceci :
La gastronomie est la connaissance raisonnée de tout ce qui a rapport à l’homme, en tant qu’il se nourrit. Son but est de veiller à la conservation des hommes, au moyen de la meilleure nourriture possible.
Sur l’inscription du Repas gastronomique des Français au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO on a précisé les choses :
Elle intègre des données immatérielles comme des savoirs, des pratiques — savoir-faire et rituels —, du lien social et du partage — résumés par la formule “humanisme de la table” où se dit l’ouverture à l’autre et à l’ailleurs…
Jacques Chibois – La Sardine de Saint-Gilles-Croix-de-Vie
Itadakimasu
J’aime bien l’ajout de “savoir-faire, rituels, lien social et partage” qui définie parfaitement cette soirée, Non seulement mes papilles gustatives étaient aux anges, mais comme des chefs, des vignerons ou des fournisseurs étaient assis parmi les convives, chaque plat fut l’occasion de discussions avec nos voisins de tables, voire des autres tables.
Ryohei Kawasaki, Rémi Berment, Didier Edon, Gaëtan Evrard
Gochisso-sama deshita
Imaginez que tous ces chefs, ces vignerons, ont non seulement préparé ce dîner superlatif, mais en plus ils étaient abordables et répondaient volontiers à nos questions (pas toujours très fines), expliquant et riant. Même la brigade des Hautes Roches rayonnait. Un grand moment gastronomique.
Sake Fukucho “seafood” Shiro Koji
Le Saké
Les restaurants chinois ont bien pourri l’image du Saké, avec leurs verres lubriques remplis d’éthanol parfumé à la rose qui en fait s’appelle Mei kuei lu chew. Le vrai Saké ou plutôt Nihonsu, est une boisson alcoolisée à base de riz fermenté dont les arômes varient avec le taux de polissage du riz, la qualité de l’eau employée, la variété de riz et puis je m’arrête là car vous allez me demander “c’est quoi le polissage du riz” et je devrais vous parler de Seimaibuai, de Junmai de kōji et on n’en finira plus. Google est ton ami.
Ce qu’on a mangé
Romain Mahi – Restaurant Accent à Paris:
L’huitre de Cancale
Saké Fukucho “seafood” Shiro Koji de la région d’Hiroshima
Vin : Vouvray, Coulée d’Argent 2008 de Frédéric Bourillon,
Gille Dudognon – La chapelle Saint Martin à Neuil-Près-Limoge
La royale de Foie Gras
Vin : Touraine, M de Marionnet 2018 Domaine de la Charmoise
Jacques Chibois – La Bastide Saint-Antoine à Grasse
La Sardine
Saké Homaré Kirin de la région de Niigata
Ryohei Kawasaki – Ken Kawasaki à Paris
Inspiration printanière
Saké Chikurin Karoyaka (bio) de la Préfecture de Okayama
Christophe Hay – La Maison d’à Côté à Montlivault
La Lamproie de Loire
Vin : Touraine, Renaissance 2018 Domaine de la Charmoise
Gaëtan Évrard – L’Évidence à Montbazon
Le Paleron maturé
Vin : Fiefs-Vendéens-Brem Plante Gâte 2012 Domaine Saint-Nicolas – Thierry Michon
Didier Edon – Les Hautes Roches à Rochecorbon
Le Pigeonneau de Racan
Saké Kambara Yamadanishiki de la Préfecture de Niigata
Vin : Bourgeuil, Mi-Pente 2005 Domaine de la Butte – Jacky Blot
Thierry Cartereau – La Montagne aux Fromages à Tours
Plateau de fromages de la Préfecture de Niigata
Saké Kirin Jijoshu Vintage
Ayumi Sugiyama – Accents à Paris
Le Chocolat Blanc
Vin : Vouvray Brut, Premium de Frédéric Bourillon
Nous étions aussi à la première édition de Hé! toiles & toques. Un grand plaisir
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